Tsinjoarivo – un lieu de villégiature royal

Premier aperçu du Rova du côté de l’entrée principale


Quand on évoque le nom de Tsinjoarivo, on l’assimile systématiquement à cet endroit où les souveraines du Royaume Merina aiment prendre du repos. Mais Tsinjoarivo est une localité qui regorge de nombreuses richesses, aussi bien culturelle que forestière et faunistique. Outre les Palais qui accueillirent autrefois les Reines, Tsinjoarivo, c’est également des merveilles naturelles, comme les immenses cascades et une forêt luxuriante qui mériteraient plus d’attention et de soin.

Comme à l’accoutumé sur ce blog, voyons au préalable ce que l’histoire a retenu de cet endroit où le temps semble s’être arrêté.

Bienvenue à Tsinjoarivo, plus précisément au village


Localisation

Tsinjoarivo est une bourgade implantée à quelque 120 km de la capitale sur la route d’Antsirabe, à l’est d’Ambatolampy. Pour y accéder, il faut emprunter un chemin boueux qui ne vous permettra pas de vous reposer, même les arrêts en chemin sont limités à cause de l’insécurité chronique. Le chemin vous prend en moyenne une journée entière. Et encore, si le taxi-brousse est votre option, vous allez vivre une expérience plus qu’immersive dans l’aventure avec des villageois et des autochtones, tassés dans un minibus apparemment, trop petit pour les passagers. Sinon, pour les plus téméraires, vous pouvez toujours opter pour les taxi-motos d’Ambatolampy qui vous feront le trajet en 5h à 7 h.

Terminus des taxi-brousses à 3km du Rova


Traversée du village pour rallier le Rova culminant à quelque 

1600 mètres d’altitude


Montée vers le Rova, impraticable en 4 roues, vive la randonnée


Au fur et à mesure que vous montez, vous avez une belle vue sur l’Onive


Portail de la nouvelle clôture délimitant le Rova


Bungalows dans la cour du Rova, pouvant accueillir les visiteurs


Tsinjoarivo et son histoire

Jadis, Tsinjoarivo se nommait « Andrangalisa ». La bourgade faisait partie du territoire Antakay, période où le roi Andriamasinavalona n’avait pas encore réuni les 4 parties de l’Imerina. Mais quand ce fut le cas, le roi y plaça des Manendy (un des groupes faisant partie du clan des Maintienindreny qui sont réputés dans le maniement de la foudre et des remèdes anti-sécheresse).

Portail du Rova vu de l’intérieur de la cour


Cour et bâtiments du Rova


Inscription Ranavalona Manjaka dans la cour


Andrangalisa était sous l’autorité d’Andramasina et de son seigneur de l’époque Ramanjaka Andriana. C’est ce dernier qui fut le premier à vanter à la Reine mère Ranavalona la beauté d’Andrangalisa. C’est ainsi qu’en 1834 la reine eut l’idée d’y bâtir des Palais, ou plus précieusement un lieu de villégiature qui lui servirait de résidence d’été pour se ressourcer et s’adonner à ses loisirs. Elle décida de confier à Ramanjaka l’aménagement de l’endroit. Le début du chantier fut le métrage de la propriété via la construction de clôture. Ce sont les devins et astrologues de la reine qui ont décidé de baptiser le périmètre où se situe le Palais « Sarodravina ».

Le chantier qui durera deux ans est symbolisé par l’édification spéciale des Palais qui suivent des normes spécifiques. On y érigea 5 Palais, dont celui qui était destiné à la Reine et qui fut nommé Tranofahasivy. Celui-ci était également le plus grand et comportait une salle de bal, une pièce servant à accueillir des invités, la chambre royale et une pièce pour héberger la famille proche et les suivants de la Reine pendant son séjour.

Le Tranofahasivy ou Pavillon de la Reine


Quand vint le moment de l’inauguration, on y sacrifia un nombre considérable de zébu pour partager avec les convives et les habitants. C’est à ce moment, que constatant le panorama aux alentours, la Reine décida de renommer l’endroit « Tsinjoarivo », d’où l’appellation Rova de Tsinjoarivo.

L’Onive, indissociable de l’histoire de Tsinjoarivo

La colline qui abrite le Rova de Tsinjoarivo est perchée à 1675 m d’altitude. Elle est contournée par le fleuve de l’Onive qui verse dans les étroits précipices surnommés affectueusement Ambavaloza Andriamamovoka. L’Onive est l’affluent du Mangoro qui coule vers le nord jusqu’à Ambatolampy.

Cascade Andriamamovoka


Chute Ambavaloza


Impressionnante hauteur de la chute d’Ambavaloza


L’histoire rapporte que le fleuve Onive abritait des sirènes qui appréciaient particulièrement se baigner du côté d’Andriamamovoka. Un certain Rainisoabemanga, astrologue de la Reine, avait le don particulier de pouvoir parler à ces créatures mythiques. C’est par l’intermédiaire de celui-ci que la Reine apprit à sacrifier les bœufs en guise d’hommage aux sirènes de l’Onive. Ainsi, les bêtes étaient jetées vivant du haut de la cascade. Spectacle que la Reine affectionnait particulièrement dit-on. Rainisoabemanga était capable d’entrer dans l’eau pour aller chercher des remèdes et de n’y ressortir que 3 jours après, retient encore l’histoire.

Bien qu’intimidante, la nature de Tsinjoarivo n’en demeure pas moins

un trésor merveilleux


La passion royale

Parler de Tsinjoarivo sans évoquer cette partie de l’histoire serait dissocier Laurel de Hardy dans une histoire drôle. En effet, outre le sacrifice bovin aux sirènes, la Reine appréciait aussi particulièrement la compagnie de jeunes hommes. Ainsi, quand elle se rend à Tsinjoarivo, on lui présentait les jeunes hommes de 18 ans provenant des bourgades aux alentours (Andramasina, Andrangalisa, Antanamalaza entre autres) pour passer un moment de plaisir charnel avec elle. Une fois l’acte accompli, elle ordonna de jeter les jeunes « chanceux » du haut de la chute d’Ambavaloza. Comprenez tout de même l’embarras si un des « heureux élus » crierait sur les toits son aventure charnelle avec la Reine, ne serait-ce qu’un court instant.

De nombreux destins (tragiques) se sont terminés dans ces eaux selon l’histoire


Agenda de Tsinjoarivo

On retiendra que les souveraines RANAVALONA ont toutes séjournées, au moins une fois à Tsinjoarivo. RANAVALONA I en 1840, 1842 et 1856. RANAVALONA II en 1880 et 1882. RANAVALONA III en 1890. Leurs séjours ont pu durer de quelques semaines à quelques mois.

Plus tard, les généraux Duschesne et Gallieni ont aussi séjourné à Tsinjoarivo.

Pour rallier Tsinjoarivo, les Reines devaient s’arrêter trois fois. D’abord à Andramasina, puis à Antanamalaza et enfin à Antananarivokely. Dans chaque halte, des milliers de sujets lui rendent hommage.

À une dizaine de km du Rova se trouve Antananarivokely


Du haut d’Antananarivokely, on peut apercevoir Andramasina


Ce qui reste de Tsinjoarivo

Il est malheureux aujourd’hui d’évoquer un tel monument comme Tsinjoarivo en ces termes, mais telle est la réalité : les RESTES.

En 2023, le Rova de Tsinjoarivo paraît en très piteux état, les signes de dégradation très visibles de l’extérieur n’adoucissent guère cette affirmation.

Le Rova de Tsinjoarivo fut le théâtre de nombreux incendies qui ne datent pas d’hier. Car, comme le relate Pela Ravalitera dans sa chronique « Histoire mouvementée de la résidence de villégiature des reines de Madagascar », le Rova fut incendié par des soi-disant nationalistes qui qualifiaient l’endroit de caprice royal. Quand la royauté Merina pris fin de 1897, le Rova était délaissé et perdait en même temps son prestige.

Après des timides travaux de construction commandés par le gouverneur général français Joseph Simon Gallieni, le Rova est de nouveau victime d’un incendie. Les toits en chaume n’aidant pas face aux dégâts de la foudre, la destruction fut à son comble. Une reconstruction sera effective en 1983.

En pénétrant à Sarodravina, on peut y voir les 5 palais de l’époque. Tout de suite à gauche, on tombe sur le pavillon des aides de camp, ainsi que le Tranofahasivy. Le troisième bâtiment servait de salle à manger à l’époque et le quatrième au fond de la cour, le pavillon de Rainitsimbazafy, le premier ministre à la chute du royaume Merina. Et enfin, on y trouve le pavillon servant de résidence à l’ancien premier ministre Rainilaiarivony.

Dans la cour, des inscriptions avec des briques formant les lettres RM (Ranavalona Manjaka) et RGRI (Rova Governora Ranavalona Ière) trônent au milieu.

Bien que l’endroit soit entièrement dépourvu d’entretien, on peut tout de même se délecter des merveilles naturelles dont regorgent les alentours du Rova. Entre les cascades époustouflantes, les traversées en pirogue de l’Onive, la richesse floristique et faunistique, le dépaysement est garanti.

Des initiatives naissent de par et d'autres pour préserver et promouvoir la biodiversité de la région, mais restent moindre par rapport à l'ampleur des dégâts causés par l'exploitation à outrance et, le plus dangereux, l'indifférence.

Merci d'avoir lu jusqu'à la fin, n'hésitez pas à laisser un commentaire, le blog est fait pour échanger.

Découverte en quelques photos !

















Voyagez un peu plus loin dans le temps pour découvrir Ambohimandrosohasina, un autre village historique de l'Imerina d'antan.

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4 Commentaires

  1. J'imagine bien la période faste durant laquelle ils ont dû s'amuser en ces lieux.
    La reine savait faire la fête et elle en profitait bien à Tsinjoarivo.

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  2. Super article ! 👍🏽

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